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Ne confondez plus numérisé et nativement numérique

J’ai lu pendant ces vacances le livre d’Emmanuelle Bermès, De l’écran à l’émotion : Quand le numérique devient patrimoine (Paris : Éd. de l’École nationale des chartes, 2024). J’y ai retrouvé bien des choses qui sous-tendent notre pratique, et des récits fondateurs qui se transmettent entre collègues, puisque Emmanuelle a longtemps travaillé dans le département de la Bibliothèque numérique de la BnF, puis comme adjointe au directeur des Services et Réseaux, en charge des affaires scientifiques et techniques. La notion de « patrimoine numérique » ne peut évidemment que me toucher, tout comme un plaidoyer pour une notion qui devrait aller de soi et qui peine pourtant à s’imposer. Mais il y a une idée qui sous-tend le propos du livre et sur laquelle je voudrais revenir parce qu’elle aborde un sujet important et qui m’est cher. Je la résume de la manière suivante :

Le patrimoine numérique, c’est autant le numérisé que le nativement numérique, et les deux peuvent être abordés de la même façon.

Une carte postale montrant Hamlet tenant un crâne. En lettres majuscules, typiques d'un meme Internet, on lit en bas "To fix or not to fix".

Leave the files alone

Autrement dit, dans la langue fleurie que j’adopte volontiers : foutez la paix aux fichiers. Pourquoi cette injonction ? Parce que, dans la vulgate préservationniste, largement fondée sur des idées préconçues et élaborée dans les années 2000, l’interventionnisme était de mise, et nous a sans doute amenés à faire des bêtises. Inspirés par les politiques de numérisation, nous avons par exemple abusé de stratégies de normalisation. La tête de mes fichiers ne me revient pas ? Qu’à cela ne tienne, je convertis tout dans un seul format, et tant pis si ce lit de Procuste est trop petit et qu’on doit pour l’y faire rentrer sabrer de précieuses métadonnées internes, descriptives ou techniques, voire des morceaux inattendus (vignettes dans une piste audio, commentaire audio dans une photographie numérique, etc.).

Aimez-les comme ils sont, avec leurs défauts, leurs irrégularités. N’essayez pas de les changer. Ce sont des données patrimoniales, que diable, et c’est donc nos outils d’accès qui doivent s’y adapter, pas le contraire.

Hommage en forme de liste de blogs

Second billet de blog. Le premier a très bien fonctionné : j’ai avoué, en creux, mon ignorance et on m’a très aimablement rappelé l’existence d’outils incontournables (en particulier, l’incroyable liste de ressources pour apprendre la préservation numérique maintenue collaborativement : Awesome Digital Preservation).

Je me propose donc de réitérer.

Récemment, je me suis remis à utiliser un lecteur de flux RSS. Technologie éprouvée, démodée par les réseaux sociaux et pourtant robuste et efficace pour prendre soin de notre attention rudement mise à l’épreuve. Personnellement j’utilise Fluent Reader mais il en existe des dizaines à disposition. Or vous n’imaginez pas la richesse de ce qui s’échange sur la blogosphère, mais ces ressources sont dispersées par essence et peu « découvrables ». C’est le constat fait par Andy Jackson dans le cadre du projet Registries of Good Practice porté par la DPC1.

Des blogs en pagaille

J’ai donc réuni les blogs que je connaissais dans mon domaine, et je me suis dit que j’allais vous en faire profiter.

Réunir un corpus de fichiers

J’avais précédemment engagé mon honneur et promis de faire un premier billet sur le transfert sécurisé de données. Et je vais sans aucune vergogne me dédire, parce que j’ai un autre sujet sur le feu qui m’amuse plus. On verra le transfert une autre fois.

Je vous propose donc un premier billet sur la recherche de fichiers exemples. Quand on fait de la préservation numérique sérieuse, on a besoin d’un corpus de test assez conséquent pour vérifier que nos procédures d’identification, de validation ou d’analyse fonctionnent bien sur une diversité de fichiers. Où allons-nous donc trouver cette diversité si nous ne l’avons pas déjà sous la main ? Il y a plusieurs solutions complémentaires que je vais vous détailler ici. N’hésitez pas si vous en voyez d’autres à me les signaler en commentaire !

D’où je parle (2/2)

Je m’étais arrêté à mon arrivée à la BnF en 2014, avec l’objectif de nouveaux défis dans le domaine du développement de compétences numériques hardcore. Je n’ai pas été déçu. Mon poste d’« expert de modélisation » consistait, à l’origine, à me spécialiser dans les métadonnées dites « de préservation ». Je devais donc jouer le rôle du normalisateur sur la manière de décrire les objets numériques conservés sous forme de « paquets » dans l’entrepôt numérique, et le fonctionnement de celui-ci. Un peu comme mes collègues du département des Métadonnées apportaient leur expertise en gestion de données structurées pour déterminer comment décrire la production culturelle dans nos catalogues. A la différence que lesdits collègues disposaient d’une compétence centenaire de description d’objets patrimoniaux « traditionnels », alors que moi je n’y connaissais malgré tout pas grand-chose, à l’encodage des données numériques. J’ai donc mis cinq ans avant de me sentir légitime sur ce poste – et croyez-moi, il arrive régulièrement que ce sentiment s’évanouisse, aujourd’hui encore. J’y ai par ailleurs développé une allergie carabinée aux « métadonnées de préservation » telles qu’elles sont généralement entendues, mais on y reviendra sans doute.

D’où je parle (1/2)

Pour commencer, le plus simple est de vous parler de moi. De mon parcours pour commencer, et je poursuivrai ensuite sur mon poste actuel et tout son cortège d’hésitations, d’espoirs, de rages et d’émerveillements. Si vous êtes ici pour apprendre des trucs en préservation numérique pratique, vous allez devoir ronger votre frein encore un peu, veuillez m’en excuser.

Si je dois faire une socio-analyse en quelques lignes, je dirais que je suis issu du côté paternel d’une petite bourgeoisie de province éprouvée par la vie et du côté maternel d’un monde agricole digne et droit, dont les enfants ont eu la chance de se sortir. Cela fait de moi un semi-héritier relativement peu solide dans sa confiance en sa capacité à agir sur le monde. Affecté par une très forte myopie, j’ai appris assez tôt ce que signifiait l’exclusion. J’ai également développé un goût romantique pour le passé lorsqu’il peut éclairer notre présent, d’où mes passions adolescentes pour des auteurs comme Arturo Pérez-Reverte ou Umberto Eco. A la vocation de dénicheur de secrets historiques et d’enquêteur en matière occulte, la voie de l’archiviste paléographe offrait un plan B acceptable. J’ai donc fait, entre autres merveilleuses disciplines, de l’histoire médiévale et du latin pour intégrer l’École nationale des chartes.

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